SOIRÉE SCIENTIFIQUE ET DE PRESTIDIGITATION . PAR M. LASSUBEZ. La curiosité, ce besoin auquel, jeunes ou vieux, nous cédons tous et sans cesse, avait, dimanche dernier, attiré une foule nombreuse dans la salle de spectacle de netre ville. Un habile physicien, M. Antonio Lassubez, y donnait une séance de physique expérimentale, d' électro-magnétisme et de prestidigitation. Au lever du rideau, des applaudissements éclatèrent de toutes parts à la vue de ces nombreux appareils de forme et de grandeur diverses : piles de Volta, machines électriques, bouteilles de Leyde, miroirs d'Archimède, appareils à gaz, mortiers, canons, machines pneumatiques, instruments de toutes sortes propres à faire des expériences sur l'air, la lumière, le calorique, etc., etc., etc. La séance a commencé par L'illumination instantanée de deux cents bougies, distribuées dans la salle à distances éloignées les unes des autres, au moment même de l'apparition de l'étincelle sur la machine électrique. D'une forme tout à fait nouvelle, cet instrument, malgré l'humidité, qui remplissait la salle, a produit l'effet attendu. On a pu juger avec quelle effrayante rapidité le fluide franchit l'espace. M. Lassubez a reproduit ensuite les effets de la foudre sur un paratonnerre; il a fait voir qu'il est dangereux s'il est imparfait, utile au cas contraire. Dans son État parfait, il neutralisait le fluide électrique, tandis que, mal construit, l'électricité s'est répandue dans l'intérieur de l'édifice-appareil et y a produit une terrible explosion qui la foudroyé. Ces expériences, toutes scientifiques, ont excité parfois un fou rire dans l'assemblée. Au moyen de la pile de Volta, l'experimentateur a produit des effets électro-magnétiques sur un de ces hommes qui et s'exposent sans façon plus drolatique comédie. Ainsi un jeune homme se charge de battre sur la caisse la chanson qui fait marcher au pas un régiment défilant devant un général, et le voilà; au milieu de sa plus belle ardeur, se convulsionnant comme un épileptique, riant comme un fou, tandis que ses deux coudes s'en vont par derrière se donner le baiser de paix, et que sa mâchoire s'allonge comme le manche d'un violon. Le physicien a ensuite fait l'expérience des gaz détonants au moyen des pistolets de Volta en cristal. Le public a pu voir et comprendre que les gaz hydrogène ou oxygène purs ne détonent pas, mais que, mélangés, ils prennent feu et éclatent comme la foudre. On a remarque la force expansive des gaz qui s'est manifestée sur un écran placé en face d'un des canons, et qui a disparu entièrement sans laisser aucun débris. Bien des personnes ont témoigné de l'étonnement en voyant le physicien pousser dans une vessie, au travers d'un tube contenant du percarbure d'hydrogène, l'air de ses poumons qui, dans le trajet, se changeait en un gaz inflammable du plus brillant effet. Nous n'essaierons point de décrire la scène comique qui a réjoui toute la salle au moment où les spectateurs, depuis le parterre jusqu'aux premières, se tenant par la main comme pour une ronde du Sabbat, ont ressenti les effets du courant électrique, au moyen d'une chaîne électromagnétique communiquant aux piles de Volta. La danse ne pouvait être plus curieuse ; tous les visages ont grimacé de la même façon, et, depuis le plus petit jusqu'au plus grand, depuis le plus mince jusqu'au plus gros, chacun a fail un petit saut de marionnette a provoqué de toutes parts un rire inextinguible. Télégraphe électrique. Beaucoup de voyageurs ont rencontré le long des chemins de fer des petites cordes suspendues à des poteaux et qui semblaient destinées à sécher le linge des buandières du voisinage. Si c'était là leur idée, ils se trompaient on ne peut plus; ces cordes sont les fils conducteurs du télégraphe électrique, qui s'entretenait pent-être d'eux et donnait leur signalement à l'administration du lieu où ils pensaient arriver incognito, leur préparant un gite auquel ils ne s'attendaient pas. Graces à M. Lassubez, chacun a pu comprendre ce que c'est qu'un télégraphe électrique. Placé dans une des stalles des premières, ayant sous sa main un cadran auquel est attaché une double bobine, correspondant d'un côté à une pile de Volta, et de l'autre à un cadran placé sur le théâtre, portant les mêmes lettres et les mêmes chiffres que le premier cadran, M. Lassubez a reproduit, au moyen du fluide, sur le second cadran les signes qu'il traçait sur le premier ; la vitesse est qu'on ferait faire à cette correspondance trois fois le tour du monde en une minute. Prestidigitation. A la suite de ces expériences M. Lassubez a continué la soirée par des tours de prestige. Il a fait preuve d'une grande dextérité, et, sans avoir recours à des boites à double fond ou préparées, ne se servait que de ses mains, au milieu même de l'assemblée. C'est ainsi qu'au commandement du magicien, un arbuste garni de feuilles et de fleurs s'est subitement couvert de fruits. C'est ainsi encore qu'au milieu des spectateurs, il a extrait du bout de ses doigts des milliers de drapeaux, de bouquets, de bonbons, de couronnes garnies de bijoux qu'il distribuait et qui se multipliaient à l'infini. Tous ses autres tours ont été exécutés avec une admirable dextérité, et ont produit un enthousiasme général. Le succès a été complet, et le public l'a prouvé par les nombreux applaudissements qui, à chaque instant, partaient de toutes les parties de la salle. Charles MAIGNAN.